Un hommage à Charles Perrault

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Il était une fois un petit Ravioli de village, le plus joli qu’on eût su voir : Cochonfucius en était admiratif, et Yake Lakang plus éperdu encore.

Ce Ravioli était d’un beau rouge, ce qui lui seyait si bien que partout on l’appelait le petit Ravioli rouge.

Un jour Cochonfucius ayant mis au frais des bouteilles de vin blanc, lui dit : « Va voir comment se porte la reine Florence ; car on m’a dit qu’elle était malade : porte-lui ces trois bouteilles. »

Le petit Ravioli rouge partit aussitôt pour aller chez la reine Florence, qui demeurait dans un autre village.

En passant dans un bois, il rencontra compère le brochet, qui eut bien envie de le manger ; mais il n’osa, à cause de quelques voituriers qui étaient dans la forêt. Il lui demanda où il allait.

L’innocent Ravioli, qui ne savait pas qu’il était dangereux de s’arrêter à écouter un brochet, lui dit :

« Je vais voir la reine Florence, et lui porter trois bouteilles de vin blanc que Cochonfucius lui envoie.

  • Demeure-t-elle bien loin ? lui dit le brochet.

Oh ! oui, dit le petit Ravioli rouge ; c’est par delà le pantodrome que vous voyez tout là-bas, là-bas, à la première maison du village.

  • Eh bien ! dit le brochet, je veux l’aller voir aussi : je me vais y en aller par ce chemin-ci, et toi par ce chemin-là, et nous verrons à qui plus tôt y sera. »

Le brochet se mit à courir de toute sa force par le chemin qui était le plus court ; et le Ravioli s’en alla par le chemin le plus long, s’amusant à pétrir des galettes, à courir après les empiristiaux, et à consulter des jeux de cartes.

Le brochet ne fut pas longtemps à arriver à la maison de la reine Florence ; il heurte : toc, toc. « Qui est là ?

-C’est votre sujet le petit Ravioli rouge, dit le brochet en contrefaisant sa voix, qui vous apporte trois bouteilles de vin blanc, que Cochonfucius vous envoie. » La reine Florence, qui était dans son lit, à cause qu’elle se trouvait un peu mal, lui cria : « Tire la moulinette, la clopinette sautera. » Le brochet tira la moulinette et la porte s’ouvrit. Il se jeta sur la noble reine, et la dévora en moins de rien; car il y avait plus de trois jours qu’il n’avait rien mangé. Ensuite il ferma la porte et s’alla coucher dans le lit de la reine, en attendant le petit Ravioli rouge, qui, quelque temps après, vint heurter à la porte : toc, toc. « Qui est là ? »

Le petit Ravioli rouge, qui entendit la grosse voix du brochet, eut peur d’abord, mais, croyant que sa Majesté la Reine était enrhumée, répondit : « C’est votre sujet, le petit Ravioli rouge, qui vous apporte trois bouteilles de vin blanc que Cochonfucius vous envoie. » Le brochet lui cria, en adoucissant un peu sa voix : « Tire la moulinette, la clopinette sautera. » Le petit Ravioli rouge tira la moulinette et la porte s’ouvrit.

Le brochet le voyant entrer, lui dit en se cachant dans le lit sous la couverture : « Mets les bouteilles dans le seau à glace, et viens te coucher avec moi. » Le petit Ravioli rouge va se mettre dans le lit, où il fut bien étonné de voir comment la reine Florence était faite en son déshabillé.

Il lui dit : Majesté, que vous avez de curieux bras !

  • C’est pour mieux t’embrasser, mon ami.

Majesté, que vous avez de curieuses jambes !

  • C’est pour mieux courir, mon camarade !

Majesté, que vous avez de curieuses oreilles !

  • C’est pour mieux écouter, mon bonhomme !

Majesté, que vous avez de surprenants yeux !

  • C’est pour mieux te voir, mon cher !

Majesté, que vous avez un grand gosier !

  • C’est pour te …

Et, en disant ces mots, ce brochet méchant se jeta sur le petit Ravioli rouge et le repeignit en vert, car cette couleur lui plaisait mieux.