Tag Archive: Temps

Une amnésie

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Toile de Van Gogh  — Si j’allais devenir un vieillard amnésique, Mes mains se souviendraient de certaines rondeurs ; Puis j’entendrais parfois le tonnerre grondeur Et je demanderais de qui est la musique. Amis, ne prenez pas ce symptôme au tragique, Même s’il dévastait ma vie en profondeur, Si ma voix devenait celle d’un répondeur N’ayant que rarement des accents poétiques. ­­– Rimeur, comment sais­-tu, vraiment, ce qu’il en est De ce que pour fléau, partout, on reconnaît ? De ce qui nous désole et qui nous désespère ?… Continue reading

Homme de cent vingt ans

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Toile par Kanaiya Art On n’est pas sérieux quand on a cent vingt ans, N’ayant plus aucun muscle et plus aucune graisse, Le coeur presque immobile, à peine palpitant, Et plus aucun cheveu et ni ventre ni fesses. On ne sait plus du tout comment était le temps Des premiers pas du corps, de la première messe, On ne sait ce que c’est que d’être bien portant. On se sait un vivant, oui, mais de quelle espèce ? Ne reconnaissant plus ce vieux fils d’une femme, Les médecins ont pris son encéphalogramme, Et le signal a dit : « Ça ne va pas très fort. » Ne pouvant plus manger, ayant un regard vide, L’homme de cent vingt ans est hélas trop timide Pour oser demander qu’on débranche son corps

Mandala de la roue

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Mandala tibétain Nos chemins ici-­bas ne sont jonchés de roses, Et tout ce que l’esprit trouve à ronger de choses Lui résiste au point qu’il doit les laisser en plan : Nos rêves bien souvent nous le vont rappelant. Sur le bord d’une roue qui sur rien ne repose, Tu surmontes la peur dans ton esprit éclose. Tu sais distinguer l’être en observant l’étant, Tu sais que tu ne sais pas percevoir le temps, Rien que le mouvement de ce qui toujours meurt Sans sursaut, sans tristesse et surtout sans clameur : Qui n’est pas éternel, disons-­le transitoire. De principal rayon la roue n’a pas, vraiment, Et sans cause et sans but sont tous ses mouvements : Sans aucun scénario se déroule l’Histoire.

David Humphreys

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Toile de Dalí Le temps d’apprendre à vivre, il est déjà trop tard ; Le temps de penser ça, des secondes furtives : Si vite va le temps qui ne va nulle part… Continue reading

Un calendrier farfelu

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Calendrier Kiowa Je suis né un matin de Sainte-Blanchisseuse, J’ai reçu le baptême à la Saint-Compotier, Puis passé mon brevet au jour de Saint-Potier, Le bac trois ans plus tard pour la Sainte-Tisseuse.… Continue reading

Quatre pas sur le sable

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Toile de Amy Davis Roth J’ai rêvé que j’étais étranger sur la Terre, Ne connaissant serpent, aviateur, ni renard. Je voulais m’éloigner avant qu’il soit trop tard Et refermer les yeux sur de trop noirs mystères. J’ai rêvé que j’étais, voyageur solitaire, Emporté dans l’espace aux mille astres blafards, J’ai rêvé que l’essaim de mes rêves épars Ne cessait de danser un ballet funéraire. Il est mort, désormais, l’éclat de ma jeunesse. J’ai vu aussi la mort de ma jeune sagesse ; Une voix m’avertit de celle du grand Pan. Le soir, de-çà, de-là, d’autres voix me parviennent. Cette vie que je vis, est-­ce vraiment la mienne ? Parfois je dis que oui, ou bien non… Ça dépend…

Le temps nous use et nous distille

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Toile de Klimt Cochonfucius, dans sa jeunesse, Pouvait porter de grands fardeaux. Mais il était un peu lourdaud, Il a bien gagné en finesse. Son âme, maintenant plus pâle, Prend des traits un peu monacaux, Sa parole crée moins d’écho, Mais ce n’est pas pour ça qu’il râle. Car son esprit n’est pas roidi, Son talent n’est pas refroidi, Son chant est toujours bucolique. Il ne va plus, tel un fripon, Soulevant les chastes jupons, Mais il jette un regard oblique.

Paisible vieillesse

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Représentation de Dame Murasaki  紫式部 Cochonfucius a dit : un chien vivant vaut mieux Que deux grands guerriers morts qui ne peuvent plus boire. Quand il a dit cela, il était un peu vieux, Et la mort le guettait du fond d’une urne noire. Il a creusé sa tombe, à la face des cieux, Dans un jardin alpin au bout d’un promontoire. Dans Leconte de Lisle il lit des mots radieux, Ouvrant les pages d’un coupe-­papier d’ivoire. Parviendra­-t-­il un jour à versifier ainsi Pour chanter ses amours et ses regrets aussi, Le prince et le serpent, la rose et l’hirondelle ? Envers Cochonfucius, la vie n’est pas cruelle, Et chaque jour il rit, tout en buvant son thé, Disant des mots subtils ou des insanités.  

La mouvance

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Texte portugais de Camões, Toile de Beatriz Milhazes Mudam­-se os tempos, mudam­-se as vontades, Muda-­se o ser, muda­-se a confiança; Todo o mundo é composto de mudança, Tomando sempre novas qualidades. Changent les temps, changent les volontés, Et change l’être et change la confiance, Car l’univers n’est fait que de mouvance, Prenant toujours nouvelles qualités. Continuamente vemos novidades, Diferentes em tudo da esperança; Do mal ficam as mágoas na lembrança, E do bem, se algum houve, as saudades. Car toujours vont à nous des nouveautés Autres vraiment que dans nos espérances. Des maux se fixe en nos coeurs la semblance, Des biens n’avons que l’intranquillité. O tempo cobre o chão de verde manto, Que já coberto foi de neve fria, E em mim converte em choro o doce canto. Le temps couvrant d’un vert manteau le champ, Lui qui l’avait couvert de neige blanche… Il change en pleurs la douceur de mon chant. E, afora este mudar­-se cada dia, Outra mudança faz de mor espanto: Que não se muda já como soía. Changeant sept fois du dimanche au dimanche,… Continue reading