Category Archive: Le monde du rêve

Et si…

by

Toile de Nicolai Abraham Abildgaard Et si des cauchemars surviennent au matin, Fais­-leur un bon accueil, ils sont là pour t’instruire. Ils ne possèdent pas le pouvoir de te nuire. Rendors­-toi calmement dans tes draps de satin. Des poètes savants l’ont écrit en latin : Dans un cerveau nocturne on peut voir s’introduire Des monstres fabuleux, menaçant de détruire L’esprit désemparé que leur fureur atteint ; Certes, ton âme tremble aux éclats de leur voix, Et leur brûlant regard t’éveilla mainte fois, La sueur inondant tes oreillers de plume. Mais l’esprit les absorbe, ainsi qu’un océan, Et dans sa profondeur dissout leur corps géant Dont il ne restera qu’imperceptible écume.

Un hommage

by

Photographie de Elina Brotherus En rêve j’entendis une chanson gitane Destinée au flâneur qui vers l’horizon fuit, Non pas loin du travail, non pas loin de l’ennui, Mais vers la dune où meurt la lueur océane. Son surmoi le poursuit, disant, tu es un âne, Et nul des deux ne voit où la route conduit. Il n’importe. Aussitôt que tombera la nuit, Adviendra cet instant où leur conflit se fane. J’écris ces quelques mots, bien posé sur mes fesses, Mon corps en écrivant nullement ne s’affaisse ; Je ne sais si ces vers passeront à l’oral. Or, des mots d’une amie, avoir été la cible, Voilà que monte en moi une humeur indicible : Le pur ciel de midi en devient sidéral.

Une machine

by

Toile de Giorgio de Chirico En rêve, j’ai construit une étrange machine Qui ne reposait pas sur la numération. Mes chefs m’ont demandé par quelle aberration Elle fait, malgré tout, des trucs qui se terminent. J’ai dit : « Les composants sont fabriqués en Chine, Ils peuvent supporter des approximations ; Ce qui fait l’essentiel de leur animation, C’est de la sémantique assez subtile, et fine. » Ils ont dit : « Mais pourtant, ton truc ne sert à rien, Il crache des sonnets qui ne riment pas bien, Et même quelquefois, horreur, des villanelles ». J’ai répondu… Continue reading

Une formation

by

Toile de William Blake En rêve, j’accomplis un stage pour être ange. Suivre la voie du bien, chaque heure, chaque instant, Surveiller les mortels, auprès d’eux voletant, Contrôler leur boisson, vérifier ce qu’ils mangent, Voir s’ils n’adoptent pas des positions étranges, Surtout, s’ils pensent bien à se brosser les dents, Eviter qu’ils ne soient d’un poison dépendants, Faire que leurs efforts soient dignes de louange… Je n’étais point taillé pour pareille aventure, Et ma mission finit dans la déconfiture ; D’ailleurs, je m’y étais quelque peu attendu. Braves mortels, pécheurs, que le serpent vous garde, Il comprend mieux que moi où vos coeurs se hasardent, Moi qui par vos façons fus toujours confondu.

La planète ignorée

by

Toile de Gauguin Derrière le soleil se cache une planète Qui, par rapport à nous, tourne en opposition. Elle abrite un état de civilisation Marqué par la douceur et le sens de la fête. Comparés à ceux-­là, nous sommes un peu bêtes. Ils rient facilement, à notre évocation ; S’ils débarquent chez nous pour une exploration, C’est surtout l’occasion de se payer nos têtes. Quand ils rentrent chez eux, leur fusée fait escale Sur Vénus, une étape humide et tropicale ; Des reptiles géants peuplent ce monde vert. Une fois qu’ils ont fait le tour de nos problèmes, Ces voisins ont choisi de laisser à eux­-mêmes Les malheureux Terriens, honte de l’Univers.

Spacetrip

by

Art Huichol Dans un petit album au dos de percaline, Des photos d’univers multidimensionnels, Un vrai poème optique et gravitationnel : Si c’est d’un architecte, il est sous mescaline. Assis dans mon grenier qui sent la naphtaline, Je parcours, d’un regard omnidirectionnel, Ce recueil de clichés vraiment exceptionnels : Et bientôt, je franchis le mur de cornaline Qui tient lieu de frontière aux mondes transcendants. Et, dès lors, entouré des fiers astres chantants, Je me baigne au cristal qui vibre et me transporte. Soudain, ces clairs sentiers redeviennent obscurs :… Continue reading

Apnée de la nuit

by

Toile de Edvard Munch   Danse onirique et noire, et pure, et silencieuse, Cerveau unique où deux esprits sont enlacés ; Un lien sans avenir, sans contact, sans passé, Gardé par quatre cents missives sentencieuses. Dans le creux de la nuit, interjections fiévreuses, Désespoir de dormir à soi­-même embrassé ; Traversant en apnée, tel un grand cétacé, La longue nuit d’hiver et ses fosses ombreuses. Ermites vont plaidant une saine abstinence Qui permettrait d’atteindre une humble transcendance ; Le mérite survienne à qui survit ainsi. Je m’assieds dans le noir, j’allume une lanterne, Et je laisse flotter mes sentiments en berne : La transcendance est là, dans cette voie aussi.

Dans le fond des enfers

by

Toile de Max Ernst Certaines nuits d’hiver, notre existence est rude ; Mais il faut toutefois relever ce défi. Je vais mobiliser ici mes aptitudes Pour décrire un curieux cauchemar que je fis. Je m’étais endormi, abruti par l’étude. Dans le fond des enfers la nuit me conduisit Où je fus enfermé en grande solitude ; Dans mon coeur un ennui profond s’introduisit. Pas de fleurs en ce lieu et, pas même, une ronce. Pas l’ombre de question, pas même, une réponse. Mon pauvre coeur était lourd comme un ciel d’hiver. Par chance il me restait un peu de ma mémoire Qui parmi mes écrits a puisé cent histoires ; Ma joie est revenue au rythme de ces vers.

Aux antipodes du plaisir

by

Toile d’Edvard Munch Aux antipodes du plaisir se forme un territoire sombre où l’esprit semble rétrécir où les dangers sont en grand nombre Ce lieu princesse il faut le fuir nul ne reste là sans encombre tout ce qu’on y ferait grandir au lendemain serait décombres Ton âme une mouvante sphère aura toujours des tours à faire et s’agitera pour un rien Si de moi je n’étais otage vers toi je ferais ce voyage j’entends tes mots ça fait du bien