Category Archive: La plume et l’encrier

Une machine

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Toile de Giorgio de Chirico En rêve, j’ai construit une étrange machine Qui ne reposait pas sur la numération. Mes chefs m’ont demandé par quelle aberration Elle fait, malgré tout, des trucs qui se terminent. J’ai dit : « Les composants sont fabriqués en Chine, Ils peuvent supporter des approximations ; Ce qui fait l’essentiel de leur animation, C’est de la sémantique assez subtile, et fine. » Ils ont dit : « Mais pourtant, ton truc ne sert à rien, Il crache des sonnets qui ne riment pas bien, Et même quelquefois, horreur, des villanelles ». J’ai répondu… Continue reading

La fin du parcours

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Photographie de Kōzaburō Tamamura En rêve il se souvient de celui qu’il était, Son passé de corbeau, il le voit clairement, Ses noirs envols visant en vain le firmament, Son désir d’un plumage aussi blanc que le lait. Plus ne sera corbeau, même s’il le voulait. En primate il finit sa vie, bien sagement, Puis il ira dormir, petit tas d’ossements. Le cycle aura ainsi été rendu complet. C’est vrai qu’il est des jours où s’enivre l’esprit D’aimer, de versifier, ou simplement, il rit D’un pissenlit lançant au loin ses parachutes ; Mais tout cela se fait en attendant la mort Qui abolit le deuil, la peine et le remords. Dès l’envol on s’attend à finir par la chute.

Un recueil

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Toile André Martins de Barros En ouvrant mon courrier le trois novembre au soir, Je découvre un ouvrage à couverture grise, Non que ce fût pour moi la totale surprise, Mais voilà qui me fit vraiment plaisir à voir. Dans l’antre calme où j’ai coutume de m’asseoir, Je bois paisiblement ma bière à la cerise, J’entame ma lecture et je me mets aux prises Avec les mille éclats de ce précieux miroir. Je reconnais ici mes compagnons de plume, Tantôt ils me font rire, et mon regard s’allume, Tantôt je suis troublé de sentiments divers. Pour notre anniversaire et pour tous ceux qui viennent, Que mes voeux de bonheur jusqu’ici vous parviennent, Merci pour ce soleil à l’entrée de l’hiver.

Dans le lointain

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Peinture japonaise D’un sonnet, certains jours, s’entrecoupe un silence, De mots que, toi ou moi, nous aimons à choisir. Le poids de quelques vers échangés à loisir, Qui dira de combien il charge les balances… Puisque ces jours d’été sont jours de nonchalance, Puisqu’ils sont consacrés à l’exil, aux plaisirs, A la satisfaction de modestes désirs, Accordons-­leur d’un chant la subtile ordonnance. Des jours plus ou moins gris peuvent bien survenir : Nous irons nous cacher au creux d’un souvenir Comme au creux d’un rocher, deux escargots semblables. Comme deux papillons qui, d’instant en instant, Avancent au jardin, l’un de l’autre distants, N’ayant pour se parler que gestes ineffables.

La connivence

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Toile d’Andrea Vasquez-Davidson Deux étions qui aimions nous tenir auprès d’elle, D’abord notre bon sens a dû s’en estourbir. Elle, muse, sirène, antilope, hirondelle, Ce qu’elle nous fit voir on aima le subir. Faisant trembler les corps dans un ardent désir, Distillant chaque jour une phrase nouvelle, Elle nous mit au lieu d’où l’on ne sait choisir… Hélas, sur ses portraits, comme je la vois belle ! C’est sur la poésie que mon explication A porté, même si tu as la tentation De penser que je fais le portrait d’une muse. Muse sans poésie, ce ne serait qu’un jeu, Poésie sans la muse aurait bien faible enjeu. Il est des mythes dont jamais nul ne s’abuse.

Un discours silencieux

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Sculpture de Vera Dorrer Des paroles nous vient illusion de puissance, Complice en est souvent un patient auditeur. Mais si l’on veut un jour prendre de la hauteur, Rien n’est plus expressif qu’un modeste silence. Rodin nous donne à voir un homme nu qui pense, Plus éloquent ainsi que bien des orateurs. Cette antique leçon que transmet le sculpteur Possède la saveur des belles évidences. Le chat dans le jardin sait cela, j’en suis sûr, Allant sans aucun bruit dans le matin obscur A l’heure où d’un oiseau retentit le ramage. Même l’écrit, souvent, se montre superflu. Oublie ces quelques vers quand tu les auras lus : Tu vois bien qu’ils ne sont qu’un léger bavardage.

les paroles vagabondes

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Toile de Dalí De forum en forum, plusieurs voix se répondent. Sur ces pages sans fin, nous sommes des errants, Auteurs de textes flous, de phrases vagabondes, Dont les échos, longtemps, flottent sur nos écrans. Chaque forum fermé se veut un micro­-monde. Qui passe d’un à l’autre, auteur itinérant, Se construit, de ce fait, l’identité seconde Ou tierce, où ses propos se vont réverbérant. C’est, quand même, un bonheur d’accueillir une intruse Dont on a souvenance au temps qu’elle était muse, Même si vers l’antan, nul ne peut repartir. Or donc, dans la nature un ermite se terre, Car il prend cette vie comme un trop lourd mystère : Que faire, alors, pour lui… Ecouter, compatir.

Un pays de neige

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Sculptures du jardin de Cochonfucius Dans un pays de neige, on voit des créatures A l’aspect biscornu, aux étranges maisons, Cultivant l’ironie, l’humour, la déraison, La versification et la caricature. Si encore ils avaient, dans leur littérature, Des textes pour bénir le cycle des saisons, Des hymnes à l’hiver, ou bien des oraisons Qu’on pourrait adresser à la douce Nature… Mais non, d’affreux sonnets, des haïkus ridicules, Déclamés par un grand flandrin qui gesticule, C’est nul à un tel point qu’on en serait touché. Je leur ai demandé s’ils ne pouvaient mieux faire, Ils m’ont dit que cela n’était pas mon affaire : Ce peuple de la neige est bien mal embouché.

Un clair-obscur

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Toile de Patrick Basset Dans un monde envahi d’obscure transparence, Que peut­-on discerner sous ces sombres éclats ? Ici n’est point le lieu d’une remise à plat, Ni d’un essai savant sur l’être et l’apparence. Or, certains jours, ma vie n’est qu’une déshérence, Mon métier me paraît un piètre apostolat, Et mes chefs ont un peu l’aspect de cancrelats (Si j’ose formuler pareille irrévérence). N’importe, il faut agir, les autorités veillent, Puis, il faut accueillir les projets qui s’éveillent Aux mains des ingénieurs surchargés de talent. Que ne suis-­je un errant chanteur de villanelles, Ou bien, pour composer des oeuvres plus formelles, En une cour royale, un poète galant… Continue reading